MARQUAGE SPECIFIQUE DE L’ADN
En cancérologie, la détection de la
cellule pathologique est l’application la plus développée. Cette
détection repose essentiellement sur la mesure d’un contenu anormal
d’ADN dans le noyau de la cellule tumorale. De très nombreuses études
font maintenant appel à la mesure de l'ADN en cytométrie : dans le
domaine végétal, animal, en parasitologie...
Marquage
spécifique de l’ADN
Il existe de nombreux colorants de l’ADN
pour les études en CMF.
Le Hoechst est un dérivé de benzimidazole qui émet une fluorescence bleue
quand il est excité dans l’UV. Il a une haute affinité pour l’ADN et se
lie préférentiellement aux bases A-T, mais ce n’est pas un intercalant. Le
DAPI présente les mêmes caractéristiques que le Hoechst et peut être
interchangé avec lui.
La mithramycine, la chromomycine sont des antibiotiques excitables à 445nm
et qui émettent à 575 nm (orange). Ils se lient aux régions G-C par des
mécanismes non-intercalants.
L’iodure de propidium et le bromure d’éthidium sont les colorants les plus
utilisés. Ces deux colorants sont des intercalants aussi bien des doubles
brins d’ADN que d’ARN. Tous les deux sont excitables dans le bleu et
émettent dans le rouge (615 nm).
Il existe de très nombreuses autres
molécules permettant de marquer l'ADN avec des caractéristiques spectrales
très différentes permettant d'utiliser de nombreuses sources d'excitation
différentes comme les Sytox (bleu, vert, orange, rouge), les Vybrant
DyeCycle (violet, vert, rouge)...
Certaines ne franchissent pas la barrière
membranaire comme l'IP, le DAPI et les Sytox. Cette propriété peut être
exploitée pour différencier les cellules vivantes des cellules mortes
puisque ces dernières ont perdues leur inégrité membranaire. Les cellules
vivantes ne prennent donc pas le colorant alors que les cellules mortes
deviennent fluorescentes. Il est aussi possible de perméabiliser celles-ci
afin que le colorant puisse accéder à l'ADN.
D'autres au contraire comme les Vybrant
peuvent diffuser au travers de la membrane cellulaire pour marquer l'ADN
permettant d'obtenir les informations du contenu d'ADN sur des cellules
vivantes.
Stœchiométrie
de la coloration
Il est important que la fluorescence
émise par la sonde soit proportionnelle à sa fixation sur l’ADN. Dans le
cas contraire il n’est pas possible de mesurer un contenu en ADN précis.
Les intercalants, bien que leur fixation soit liée à l’accessibilité de
l’ADN, sont plus utilisés pour mesurer les contenus en ADN car la teneur
en A-T et G-C n’intervient pas dans leur fixation.
Elimination des
doublets
La fiabilité des résultats repose sur la
possibilité de ne pas prendre en compte les agrégats cellulaires. En
effet, comment distinger un agrégat de 2 ou plusieurs cellules puisqu'au
final la quantité d'ADN mesurée sera le multiple de la quantité d'une
cellule unique..
La méthode utilisée repose sur la possibilité d'analyser le profil du
signal recueilli, son aire, sa hauteur ou son temps de passage (temps de
vol, time of flight, TOF, width selon la machine) (Figure 1).
Figure
1 : Profil du signal
En utilisant des combinaisons de ces paramètres, il est possible de
distinguer les doublets des singulets (figure 2). Cette méthodologie est
aussi utilisée pour le tri cellulaire afin d'éviter la contamination du
tri par des cellules non désirées. En effet, lors du tri, le cytomètre
voit l'agrégat comme une seule cellule, si cet agrégat est constitué d'une
cellule négative et d'une cellule positive, il sera vu comme une cellule
positive. Si cet agrégat est trié comme tel, il y aura une cellule
négative triée en même temps que la cellule positive aboutissant à une
diminution de la pureté des cellules triées.
Figure 2 :
Principe d'élimination des doublets
Viabilité cellulaire
L'utilisation de marqueurs de l'ADN ne franchissant pas la barrière
membranaire permet de déterminer très facilement le pourcentage de
cellules vivantes/mortes. Les cellules mortes ayant des membranes altérées
qui laissent passer le colorant deviennent fluorescentes (Figure 3).
Figure 3 : Marquage des cellules
mortes par le Sytox
Lors de marquages sur des populations
complexes ce type de marquage est important car les cellules mortes
présentent très souvent des marquages non spécifiques qui peuvent fausser
les résultats. Dans le cas du tri cellulaire, cela évite de trier des
cellules mortes si l'on veut remettre la population triée en culture.
Evaluation de
la quantité d'ADN
En perméabilisant les cellules, le marquage
de l'ADN va permettre de quantifier la quantité présente au sein de la
cellule. Attention toutefois, l'ARN double brin peut être aussi marqué par
les intercalants et s'ajoutera à la mesure de l'ADN, pour éviter cela il
faudra utiliser un tampon de marquage dégradant cet ARN (RNase). Il faut
aussi que l'accessibilité de l'ADN au colorant soit optimisée. Il existe
de très nombreux protocoles de marquage de l'ADN en fonction des types
cellulaires, il conviendra de tester ses propres cellules avec plusieurs
protocoles afin que la mesure soit optimisée.
Cette application est utilisée dans de
nombreux domaines comme la recherche agronomique où il a été constaté par
exemple que la quantité d'ADN de certaines plantes variait en fonction de
l'altitude ou de leur situation géographique (plus l'altitude est élevée,
plus il y a d'ADN, gradient de quantité d'ADN entre les caféiers de
l'Afrique de l'ouest et l'Afrique de l'est) (Figure 4), en pisciculture où
on a constaté que les males triploïdes présentaient de meilleurs
rendements de croissance que leurs congénères diploides d'où la recherche
de conditions d'élevage pour obtenir une majorité de males triploides
(température, pH du milieu)...
Figure 4 : Mesure de la quantité
d'ADN de plans de caféiers. En haut, plan contröle 2X et 3X. Au milieu
mélange 2X et 3X. En bas mélange contrôle 3X et échantillon inconnu
mesuré à 4X.
Le Cycle cellulaire
“Le cycle cellulaire représente
l’intégralité de la période de division, c’est à dire l’ensemble des
événements biochimiques et morphologiques qui sont responsables de la
prolifération cellulaire”.
La mesure du cycle cellulaire par des méthodes classiques de CMF divise le
cycle en trois phases: G0/G1, phase d’activation des cellules, S, phase de
synthèse de l’ADN, G2/M phase de mitose (Figure 5 et 6). La distinction
entre G0 (phase quiescente) et G1 (phase de préparation à la synthèse
d’ADN) ainsi que G2 (préparation de la mitose) et M (mitose) est
impossible avec une méthode utilisant un intercalant comme l’iodure de
propidium.
Figure 5 : Les différentes phases du
cycle cellulaire
Figure 6 : Evolution de la quantité
d'ADN au cours du cycle
La CMF offre une méthodologie rapide et
simple à mettre en oeuvre pour l’analyse du cycle cellulaire. Elle permet
de suivre la distribution des cellules dans les différentes phases du
cycle en fonction de divers stimuli ou de l’ajout de certaines drogues.
Elle permet aussi de voir la présence de cellules avec des contenus
anormaux d’ADN...
La plupart des applications qui concernent
le cycle cellulaire n’utilisent qu’un seul paramètre, le contenu en ADN
(figure 7). Des programmes mathématiques calculent les différentes phases
du cycle. Les principales applications concernent la pharmacologie: étude
de l’effet de drogues sur le cycle cellulaire, la cancérologie: pour
déterminer la prolifération d’une tumeur et voir son contenu en ADN par
rapport aux cellules normales.
Figure 7 :
Analyse du cycle cellulaire d’une lignée tumorale.
Il existe d'autres méthodes d'évaluation du
cycle cellulaire et qui permettent de calculer plus de paramètres du cycle
cellulaire. Ces méthodes font appel à un marquage classique de l'ADN avec
un intercalant mais on ajoute l'incorporation d'analogues de la thymidine.
La technique au BrdU nécessite la mise en culture des cellules avec cet
analogue (Figure 8) qui est incorporé lors de la phase de synthèse de
l'ADN. Il faudra ensuite le révéler au moyen d'un anticorps spécifique
capable de pénétrer dans le noyau pour se fixer au BrdU. Cette méthode
nécessitait la dénaturation de l'ADN à l'acide chlorhydrique ce qui
dénaturait les protéines et empéchait de fait de coupler le marquage du
cycle avec un marqueur membranaire. Il existe maintenant une variante plus
douce permettant d'étudier en plus les marqueurs par immunofluorescence
(Carayon et al.). En jouant sur les temps d'incubation avec l'analogue à
la thymidine on peut calculer des informations sur la cinétique du cycle
cellulaire.

Figure 8 : Marquage du cycle cellulaire
par le BrdU. En X, marquage à l'iodure de propidium, en Y marquage
BrdU. A gauche, simple marquage IP, au milieu double marquage sur
cellules standards, à droite, double marquage sur cellules bloquées en
phase S
De nouvelles méthodes ne nécessitant pas
de dénaturation de l'ADN sont apparues sur le marché comme la méthode
ClickIt de chez ThermoFischer qui fait appel à un analogue de la thymidine
modifié (EDU modifié). La révélation se fait sans dénaturation car la
molécule de révélation est suffisamment petite pour aller se lier à
l'EDUmodifié après fixation et perméabilisation par un détergent (Figure
9).
Figure 9: Marquage du cycle
cellulaire par la technique ClickIt. A gauche le principe, à droite
double marquage ClickIt (en Y) avec marqueur de l'ADN FxCycle (en
X).