PRINCIPES TECHNIQUES DE LA CMF
Les principes de la cytométrie sont résumés dans la figure 1.

Figure 1 : Principe simplifié d'un cytomètre en flux
Pour fonctionner un cytométre en flux nécessite une combinaison de:
Fluidique: Pour introduire et canaliser les cellules.
Optique: Une source d’excitation et de récupération des signaux,
Electronique: Pour convertir les signaux optiques en des signaux
électroniques proportionnels et les numériser pour les analyser avec un
ordinateur.
LES ECHANTILLONS CELLULAIRES
Les cellules doivent être mises en
suspension pour pouvoir être analysées. L’analyse du sang ne pose aucun
problème les cellules étant déjà en suspension. Par contre les tissus
cellulaires doivent être dissociés et les agrégats éliminés afin de
pouvoir être analysés.
LE CENTRAGE HYDRODYNAMIQUE
Imaginez devoir compter, sur une autoroute
avec de très nombreuses voies, les vehicules de différentes couleurs
(Figure 2). Si la circulation est chargée et toutes les voies utilisées,
il vous sera impossible d'effectuer cette tâche. Pour y parvenir, vous
devez canaliser les vehicules sur une seule voie et, ainsi, il vous sera
possible d'effectuer une analyse précise du nombre de véhicules de chaque
couleur.
Figure 2 : Principe de comptage
d'un cytomètre
Dans un cytomètre en flux il faut procéder de la même façon. Les cellules
sont amenées au centre de la buse de mesure et alignées les unes derrière
les autres (au moyen du sytème de centrage hydrodynamique de
l’échantillon) afin d’être excitées une par une avec le faisceau lumineux.
Le liquide de gaine subit une accélération progressive ce qui entraîne un
étirement du liquide échantillon et ainsi aligne les cellules au centre du
jet (Figure 3).
Figure
3 : Principe du centrage hydrodynamique
Attention, lorsque l'échantillon de départ est faiblement concentré,
l'utilisateur d'un cytomètre a tendance à augmenter la pression sur
celui-ci afin de diminuer le temps d'acquisition. Malheureusement, cela a
pour effet de diminuer la précision du centrage de l'échantillon et
entraine une dispersion des mesures puisque les cellules ne passeront pas
nécessairement dans la zone de focalisation de la source lumineuse (Figure
4). Cela est facilement visualisé en passant des billes de calibration à
différentes pressions, leur pic s'élargit au fur et à mesure de
l'augmentation de pression (augmentation du coefficient de variation). Cet
effet est particulièrement préjudiciable aux mesures de cycle cellulaire
où la finesse des pics est un gage de qualité de la mesure. Il est donc
préférable d'augmenter la concentration de l'échantillon plutôt que
d'augmenter la pression sur celui-ci. Bien évidemment, il faut aussi tenir
compte des limites de traitement des informations de l'appareil. De même
en augmentant trop la vitesse, on peut se retrouver dans le cas de figure
où plusieurs particules passent au même moment devant la source lumineuse
comprométant la fiabilité des mesures.
Figure
4 : Effet de l'augmentation de pression sur l'échantillon sur la
mesure du signal
CIRCUITS OPTIQUES
La source d’excitation lumineuse doit
permettre une illumination des colorants à une longueur d’onde proche de
leur maximum d’absorption. Elle doit être puissante, stable et nécessite
une bonne focalisation.
Deux types de sources sont actuellement utilisées:
•Les lasers (les plus fréquemment utilisés) qui présentent un grand nombre
d’avantages: puissance, stabilité, finesse du faisceau. Les lasers ont des
spectres d’émission discontinus (Figure 5).
Figure 5 : principales sources lumineuses utilisées en cytométrie en
flux
Les lasers à ions d'argon sont maintenant remplacés par des diodes laser
nécessitant des contraintes d'installation moindres:

La présence de plusieurs lasers de type
différents permet de multiplier le nombre de fluorochromes aux
caractéristiques spectrales différentes.
Les lampes à vapeur de mercure ou au xénon étaient aussi utilisées. La
focalisation est moindre que dans le cas du laser, mais le spectre est
assez large et leur coût est limité.
Quand il y a plusieurs lasers au sein d'un cytomètre, ceux-ci peuvent être
disposés de 2 façons. Soit ils sont tous focalisés au même endroit, on dit
alors qu'ils sont colinéaires, soit ils sont décalés dans l'espace (la
cellule passe successivement devant chaque laser) on dit alors qu'ils sont
décalés.
L'intérêt des lasers décalés est qu'il permet, pour des fluorochromes
ayant des longueurs d'ondes d'excitation différentes mais présentant des
longueurs d'onde d'émission équivalentes d'être mesurés indépendamment ce
qui n'est pas possible avec des lasers colinéaires (Figure 6). Les lasers
colinéaires entrainent donc des contraintes plus importantes dans le choix
des fluorochromes.
Figure 6 :
Configuration des lasers, décalés et colinéaires, exemple du
7AAD et de l'APC
COLLECTE DE LA LUMIERE EMISE
Les différents signaux optiques émis par
la cellule doivent être focalisés, séparés, puis acheminés vers des
systèmes de détection, photomultiplicateurs ou photodiodes. Ils sont pour
cela, sélectionnés par différents circuits optiques, composés d’une
alternance de miroirs et de filtres.
Un miroir est une surface réfléchissante. Suivant le traitement de sa
surface, on peut obtenir trois types de miroirs: passe-haut, passe-bas et
passe bande (Figure 7, 8). De plus, les longueurs d’onde réfléchies
varient aussi avec l’angle formé par le rayon incident et la surface du
filtre.
Figure 7 : Les différents types de filtres utilisés en cytométrie (R:
Réflection, : longueur d'onde)
Figure 8 :
Les différents types de filtres utilisés en cytométrie
Si les longueurs d'onde non réfléchies
sont transmises, on obtient ainsi des miroirs dichroïques.
Pour les filtres, on retrouve en transmission les mêmes courbes que pour
les miroirs, par contre les longueurs d'onde non transmises ne sont pas
réfléchies. Elles sont soit absorbées soit détruites.
Après avoir traversé cette succession de miroirs et de filtres, la lumière
est recueillie et transformée en signal électrique par un
photomultiplicateur ou une photodiode (Figure 9).

Figure 9 :
Exemple de trajet optique dans un cytomètre en flux (©Becton Dickinson)
LES SIGNAUX RECUEILLIS
Les signaux optiques recueillis ont une intensité corrélée avec des
propriétés cellulaires (tableau 1).
PARAMETRE |
SIGNIFICATION |
UTILISATION |
Diffusion
de la lumière aux petits angles |
Proportionnel
au diamètre cellulaire |
Identification
morphologique des cellules |
Diffusion
de la lumière à angle droit |
Proportionnel
au contenu cellulaire |
Identification
morphologique des cellules |
Fluorescences |
Proportionnelles
à l’intensité de marquage |
Marqueurs
cellulaires, ADN, ARN, fonctions cellulaires... |
Tableau 1: Signification des principaux signaux
obtenus en cytométrie en flux.
La lumière diffusée
La lumière diffusée renseigne sur la
morphologie et la structure de la cellule:
Si la diffusion de la lumière est mesurée dans l’axe du rayon incident,
l’intensité du signal peut être corrélée avec la taille et la viabilité
cellulaire.
Sous un angle de 90°, la mesure correspond à la structure intracellulaire
de la cellule (réfringence du cytoplasme, morphologie, rapport
nucléo-cytoplasmique).
L’utilisation simultanée de ces deux paramètres permet de distinguer, dans
un sang périphérique par exemple, les plaquettes, les lymphocytes, les
monocytes et les polynucléaires (figure 10).
Figure 10 : Utilisation de la double diffusion de la lumière pour
distinguer les diverses sous populations sanguines (FSC: diffusion aux
petits angles, SSC diffusion aux grands angles).
Le seuil
Le choix du seuil ou threshold permet
d'éliminer de l'analyse les particules de valeurs inférieures au seuil
choisi sur le paramètre choisi. Par exemple, un seuil sur la taille
permettra d'éliminer les particules les plus petites et ainsi d'éviter de
polluer le fichier d'acquisition avec celles-ci. Cela peut servir, par
exemple, à éliminer les plaquettes ou globules rouges d'une acquisition
sur des lymphocytes. Attention de ne pas choisir un seuil trop important
sous peine de risquer de ne plus voir certaines populations cellulaires de
taille intermédiaire ou même non fluorescentes si l'on choisit de mettre
un seuil sur une fluorescence. Le seuil sur une fluorescence est utile
pour analyser un cycle cellulaire puisqu'il permet d'éviter de mesurer des
cellules non fluorescentes ou des petits fragments d'ADN.

La fluorescence émise
Cette fluorescence peut être spontanée,
mais le plus souvent, elle est apportée à la cellule par un fluorochrome.
Le fluorochrome absorbe l’énergie du LASER et réemet l’énergie absorbée
par vibration et dissipation de chaleur, émission de photons d’une
longueur d’onde plus élevée (Les caractéristiques de quelques
fluorochromes utilisés en CMF sont résumées dans le Tableau 2):
FLUOROCHROME
|
PROPRIETE
|
Excitation
Max*
|
Emission
Max@
|
Hoechst 33342
|
ADN (A-T)
|
365
|
402
|
DAPI
|
ADN (A-T)
|
357
|
451
|
Chromomycine A3
|
ADN (G-C)
|
450
|
470
|
Iodure de Propidium
|
ADN
(intercalant)
|
536
|
620
|
Acridine Orange
|
ARN/ADN
|
492
|
527 db/630
sbrin
|
Alexa 488
|
Conjugaison
|
498
|
520
|
FITC
|
Conjugaison |
490
|
543
|
PE
|
Conjugaison |
490/565
|
578
|
PerCP
|
Conjugaison |
488
|
675
|
APC
|
Conjugaison |
642
|
660
|
PE-Cy5.5
|
Conjugaison |
490/565 |
693
|
PE-Cy7
|
Conjugaison |
490/565 |
778
|
Brilliant Violet 510
|
Conjugaison |
405
|
510
|
Brilliant Violet 650 |
Conjugaison |
405
|
650
|
GFP |
Gene Reporter |
488 |
510 |
mCherry |
Gene Reporter |
585
|
610
|
dTomato
|
Gene Reporter |
554
|
580 |
Rhodamine 123
|
potentiel
mitochondrial
|
505
|
534
|
BCECF-AM
|
pH
|
440
|
530
|
SNARF-1
|
pH/traceur
|
488
|
580/630
|
CFSE
|
traceur
|
498
|
518
|
Cascade blue
|
traceur
|
399
|
423
|
Fura Red
|
Ca2+
|
450-500
|
660
|
Indo1-AM
|
Ca2+ |
331
|
405/480
|
Fluo-3
|
Ca2+ |
506
|
526
|
Tableau 2 :
Caractéristiques de quelques fluorochromes utilisés en cytométrie. (*:
longueur d'onde d'excitation, @: longueur d'onde d'émission).
Il existe
- des Fluorochromes à affinité propre pour un constituant cellulaire: par
exemple pour les mesures d’ADN, d’ARN, de protéines, du pH, de calcium
contenus dans la cellule.
- des Fluorochromes couplés à un ligand spécifique. Cette spécificité peut
être amenée par un couplage du fluorochrome à un anticorps ou un ligand
spécifique d’un constituant cellulaire.
Attention car les fluorochromes n'ont pas tous le même rendement de
fluorescence et n'auront donc pas les mêmes capacités de détection. Pour
le démontrer, il 'suffit' de coupler le même anticorps avec différents
fluorochromes et de comparer l'intensité des marquages sur les mêmes
cellules (Figure 11).
Figure 11 : Etude de la sensibilité des fluorochromes par un marquage
avec un anticorps CD8 (©Beckman
Coulter : O Jaen)
Nous avons donc:
- Créé une zone d’illumination avec les optiques
d’excitation,
- Introduit une cellule dans l’instrument au moyen de la
fluidique,
- Fait passer précisément les cellules dans la zone
d’illumination par centrage hydrodynamique,
- Dirigé les signaux lumineux générés vers les
détecteurs spécifiques au moyen de l’optique collectrice.
L’électronique va maintenant traiter les signaux pour qu’ils soient
exploitables par l’opérateur.
CONVERSION DES SIGNAUX
Les signaux optiques sont convertis en
signaux électriques par les photomultiplicateurs. Ces signaux électriques
ont une valeur comprise le plus souvent entre 0 et 10 volts (signal
analogique). L’ordinateur ne peut traiter ces données que si elles sont
sous forme binaire (signal digital). Le rôle du convertisseur
analogique-digital est de convertir, comme son nom l’indique, un signal
analogique (valeur continue) en signal digital (valeur discontinue)
assimilable par l’ordinateur. C’est à dire de transformer une valeur
comprise entre 0 et 10 volts en une valeur binaire comprise entre 0 et 255
pour un convertisseur 8 bits (28) ou entre 0 et 1023 pour un
convertisseur 10 bits (210) (figure 12).
Figure 12: Principe de fonctionnement d'un convertisseur
PRESENTATION DES RESULTATS
Les valeurs numériques issues des
convertisseurs sont stockées par l’informatique et présentées sur les
écrans des cytomètres sous deux formes :
•des histogrammes monoparamétriques où l’axe des abscisses représente
l’intensité du signal analysé et l’axe des ordonnées le nombre de
cellules, les axes peuvent être linéaires ou logarithmiques(figure 13).

Figure 13 : Obtention d'un histogramme monoparamétrique.
•des histogrammes biparamétriques ou cytogrammes présentant deux signaux
simultanément (Figure 14).
Figure 14 : Présentation des résultats en cytométrie en flux.